Les artistes
Archie Bronson Outfit : En avril 2006, trois barbus londoniens réunis sous le nom d’Archie Bronson Outfit sortent un album de rock’n’roll brut, rêche et totalement azimuté qui réveille non seulement le souvenir de quelques authentiques têtes brulées telles Gun Club, P.I.L. ou The Monks, mais aussi, surtout, celui d’un rock primitif et rugueux comme l’Amérique n’en a plus connu depuis le premier disque des Baptist Generals, six ans plus tôt. Enregistré au cours de l’été 2005 dans la banlieue industrielle de Nashville, sur des terres plutôt dédiées aux barons de la country, cet album étrangement nommé Derdang Derdang est une œuvre sous tension qui tranche radicalement avec l’esprit et le son de l’époque et qui, grâce au travail du producteur Jacquire King, semble saisir une part essentielle des racines du rock américain, quelque chose de primitif et de sauvage qui fit notamment le génie des premiers bluesmen du Mississippi. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Bande à part raconte le miracle discographique de ce Derdang Derdang qui apparaît toujours comme l’un des meilleurs albums de rock des années zéro, mais aussi comme le plus américain des chefs-d’œuvre récents du rock anglais.
Archie Bronson Outfit, “Cherry Lips” (Domino, 2006) :
The Baptist Generals : Au mois de mars 2000, The Baptist Generals, un groupe de Denton (Texas), sort dans la plus grande confidentialité un premier album extrêmement rudimentaire qui prend toute l’époque de revers en imposant un punk acoustique ravagé, sans concession et résolument chaotique, qui semble remettre tous les compteurs à zéro. Alors que le nouveau siècle cherche encore ses marques, ce sidérant Dog, que le groupe a enregistré avec les moyens du bord dans la cuisine de son chanteur, Chris Flemmons, rappelle miraculeusement l’esprit des plus improbables ancêtres du rock’n’roll, celui que l’on retrouve parfois dans les moments les plus troublants des poussiéreux enregistrements de l’Anthology of American Folk Music. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Délivrance raconte l’émergence de cette œuvre folle qui semble renvoyer le punk, le blues et la country à leur état le plus primitif, en s’inspirant de groupes comme les Oblivians ou les Violent Femmes pour mieux réveiller le souvenir de certains des plus fameux inclassables du rock, des Fugs aux Shaggs, en passant par les Godz ou Captain Beefheart & The Magic Band.
The Baptist Generals, “Pats the Rub” (Quality Park, 2000) :
The Black Angels : Piliers de la scène musicale d’Austin (Texas), les Black Angels font partie des groupes ayant permis de ramener le rock psychédélique sur le devant de la scène au cours des années 2000. En 2008, ils sortaient Passover, un premier opus marqué par l’héritage du rock psychédélique texan (The 13th Floor Elevators, Red Krayola), par l’influence du pop art et par l’ombre tutélaire du Brian Jonestown Massacre. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Assurance sur la mort raconte l’invention et l’évolution de ce rock psychédélique très contemporain qui, malgré certains errements, a sans doute été l’un des plus fédérateurs de l’époque.
The Black Angels, “Prodigal Sun” (Light in the Attic, 2008) :
Bill Callahan : Au mois de mai 2005, Bill Callahan sort A River Ain’t Too Much to Love, son dernier opus sous le nom de Smog, mais aussi le premier depuis qu’il a quitté Chicago pour venir s’installer à Austin (Texas). Très vite, le disque est décrit comme son œuvre la plus aboutie. Quinze ans après ses débuts, l’ombrageux Callahan, pilier du lo-fi américain des années 90, semble revenu à un dépouillement proche de celui de ses premiers albums, mais c’est surtout son écriture, traversée d’une lumière étrange et pénétrante, qui semble transfigurée. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Les Oiseaux raconte la lente transformation de Bill Callahan, celle d’un auteur qui, en retrouvant son nom, et sa place, sous le soleil du Sud s’est rapproché de certaines grandes figures du songwriting américain comme Johnny Cash, Townes Van Zandt ou Mickey Newbury pour devenir, à son tour, un classique.
Smog, “Say Valley Maker” (Drag City, 2005) :
Crystal Antlers : Au printemps 2008, un sextet de jeunes Californiens baptisé Crystal Antlers fait sensation avec un premier EP dont les accents néo-psychédéliques bousculent les codes du rock contemporain. Originaire de Long Beach en Californie, le groupe est produit par Ikey Owens, l’un des cerveaux de The Mars Volta, et propose un saisissant mélange de rock progressif, de punk hardcore et de rock psychédélique. Un an plus tard, l’album Tentacles confirme l’émancipation de ce combo farouchement iconoclaste qui pulvérise les formes et les usages pour imposer une musique terriblement vivante, exultante, et brillamment affranchie du poids de l’histoire. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre L’Ange exterminateur raconte l’éclosion de ce groupe hors norme, symbole d’une jeunesse aventureuse et délurée qui aura vécu son adolescence au xxie siècle et qui, dans son rapport au rock, n’aura pas hésité à faire table rase du passé pour se lancer à corps perdu vers l’inconnu.
Crystal Antlers, “Until the Sun Dies (Part 2)” (Touch and Go, 2008) :
Howe Gelb : Parrain de la scène rock de Tucson (Arizona), Howe Gelb navigue depuis plus de quarante ans dans les eaux troubles où convergent indie rock, post-punk et americana. Au mois de mars 2000, Giant Sand, son combo mythique, sortait l’immense Chore of Enchantment, une œuvre protéiforme et superbement amochée que le chanteur avait conçue au cours d’une année 1997 qui fut sans doute la plus douloureuse de son existence. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre L’Homme de l’Ouest raconte l’histoire de cette gestation infernale (d’où émergera aussi le groupe Calexico) et, plus globalement, le parcours singulier et toujours passionnant de ce cowboy désenchanté, pionner du rock indépendant et antihéros majuscule du rock américain.
Giant Sand, “(Well) Dusted (for the New Millenium)” (Thrill Jockey, 2000) :
Jim O’Rourke : À la fin des années 90, Jim O’Rourke entame avec le label Drag City une collaboration qui s’étendra sur trois décennies et cinq albums. En marge de son œuvre expérimentale, de ses productions (Stereolab, Smog, John Fahey, etc) et de ses diverses collaborations (Gastr Del Sol, Brise-Glace) qui ont fait de lui l’une des figures majeures de la nouvelle scène de Chicago, ce musicien virtuose amorce donc avec l’album Bad Timing une discographie plus accessible qui va notamment le conduire à retravailler les figures de genres bien établis comme l’american primitive, la pop ou le classic rock. Troisième volet de cette précieuse discographie, le brillant Insignificance est également le fruit de la collaboration entre le chanteur et ses deux compères de Loose Fur, Jeff Tweedy et Glenn Kotche. Dans Rock’n’roll, année(s) zéro, le chapitre L’Homme qui venait d’ailleurs raconte l’émergence de cette discographie placée majoritairement sous le signe de l’œuvre de Nicolas Roeg, mais aussi la rencontre de ces trois musiciens et la période décisive au cours de laquelle ils vont enregistrer les deux albums de Loose Fur, le Insignificance de Jim O’Rourke, et achever la réalisation de l’immense Yankee Hotel Foxtrot de Wilco.
Jim O’Rourke, “All Downhill from Here” (Drag City, 2001) :
Papa M : Guitariste rescapé de l’épopée Slint et du fameux Spiderland, “l’autre” grand tournant de l’année 1991, David Pajo réapparaît fin 2001 avec un premier album d’acid folk intitulé Whatever, Mortal. Dans un registre proche de celui de son vieux compère Will Oldham, qui participe à la réalisation de ce disque, Pajo invente ici une musique fabuleusement hybride, puisant aussi bien dans le folk ancestral de John Jacob Niles que dans les méditations graves de Leonard Cohen ou l’americana décharnée de Palace, avec même quelques touches de musique indienne sur l’envoûtant “Sabotage”. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre M le Maudit raconte la genèse de cet album rare, sans doute l’un des plus grands disques du genre sortis au cours des années 2000.
Papa M, “Over Jordan” (Drag City, 2001) :
Pinback : Sorti en octobre 1999, le premier album de Pinback fait partie des disques qui ont le plus intrigué et fasciné au tournant des années 2000. Imposant une pop étrange, aux constructions sinueuses et aux harmonies subtilement désincarnées, ce disque est l’œuvre de deux obscurs musiciens, Armistead Burwell Smith IV, dit “Zach” Smith, et Rob Crow, respectivement membres de Three Mile Pilot et Heavy Vegetable. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Conversation secrète raconte la genèse de ce disque parfaitement singulier qui a pu signer l’avènement d’une sorte de post-pop, musique résolument distante et cérébrale, comme si ses auteurs avaient tenu à la situer aux frontières de l’abstraction.
Pinback, “Shag” (Ace Fu, 1999) :
Jay Reatard : Au cours de l’été 2005, alors que son groupe Lost Sounds est en voie d’implosion, Jay Reatard passe plusieurs semaines à enregistrer son premier opus solo, le génial Blood Visions. Déjà auteur d’une douzaine d’albums (avec ses différents groupes) depuis 1998, l’enfant terrible de la scène garage-punk de Memphis décide donc de prendre son envol en solo avec ce disque foudroyant, enregistré en autonomie complète entre sa propre maison et l’appartement d’Alix Brown, sa compagne de l’époque, à Atlanta (Géorgie). En effet, autodidacte et toujours farouchement indépendant, l’impétueux Jay Reatard a choisi tout faire lui-même, produisant, mixant et enregistrant tous les instruments comme au temps des premières cassettes de son adolescence. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre La Fièvre dans le sang raconte la genèse de ce disque qui aura marqué au fer rouge le garage-punk des années 2000.
Jay Reatard, “Turning Blue” (In the Red, 2006) :
Reigning Sound : Sorti au printemps 2004, Too Much Guitar est sans doute l’album le plus marquant de Reigning Sound et l’un des disques phares du nouveau rock garage des années 2000. Combinaison géniale du rock garage des Sonics et du proto-punk du MC5, cet opus sous-tension permanente, enregistré pied au plancher et avec le volume toujours à fond dans le rouge, permet à l’excellent Greg Cartwright (ex-Oblivians) d’inventer un rock d’un genre nouveau, classique sur le fond mais complètement éruptif dans la forme, imprégné de toute la mémoire du rock classique de Memphis tout en restant littéralement habité par trois décennies de punk. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre En quatrième vitesse raconte la genèse infernale de cet album que le groupe aura enregistré deux fois, une première à quatre au studio Easley-McCain de Memphis et une seconde en trio chez Legba, le magasin de disques de Greg Cartwright, avec Alicja Trout et Jay Reatard de Lost Sounds aux manettes. Ce disque sera également le dernier que Cartwright enregistrera à Memphis, puisqu’il partira ensuite s’installer à Asheville (Caroline du Nord).
Reigning Sound, “If You Can’t Give Me Everything” (In the Red, 2004) :
Elliott Smith : Au printemps 2000, Elliott Smith sort Figure 8, son deuxième opus pour le label DreamWorks. Servi par une production opulente, le disque semble installer le chanteur dans une autre dimension et offrir à sa pop fragile le rayonnement puissant des grands classiques du genre. Pourtant, derrière leurs somptueuses harmonies, des titres comme “Son of Sam”, “Everything Means Nothing to Me” ou “Can’t Make a Sound” laissent transparaître le vertige inquiétant d’une mélancolie qui n’a, semble-t-il, jamais été aussi prégnante dans la discographie de l’auteur. Au cours des trois années qui suivront, et jusqu’à sa disparition tragique, le 21 octobre 2003, Elliott Smith s’avérera incapable de finaliser un autre projet d’album, conférant de facto à Figure 8 l’aura d’une sorte d’Everest créatif qui aurait tétanisé son inspiration. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Boulevard du crépuscule raconte la genèse de ce grand album pop, mais aussi la solitude de son auteur, perdu dans l’infinité urbaine de Los Angeles, ainsi que l’énigme de ce silence long et pesant qui aura accompagné son entrée dans le nouveau siècle.
Elliott Smith, “Can’t Make a Sound” (DreamWorks, 2000) :
The Strokes : Sorti au cours de l’été 2001, quelques semaines avant la tragédie du 11 septembre, Is This It, le premier album des Strokes, est le disque qui va marquer l’entrée du rock dans le nouveau siècle et replacer, d’un coup, l’Amérique au centre des débats. En quelques semaines, les Strokes polarisent toute l’attention de la planète rock, ravivent les souvenirs (lointains) de l’âge d’or du CBGB et signalent au monde entier que c’est à New York que va commencer à s’écrire l’histoire du rock des années 2000. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Les Temps modernes permet au producteur Gordon Raphael de raconter en détail la fabrication du son terriblement moderne de Is This It, mais aussi la transformation des Strokes, passés, en quelques semaines, du statut de groupe de rock un brin rétro à celui de combo phare de la nouvelle pop contemporaine.
The Strokes, “The Modern Age” (RCA, 2001) :
Kurt Vile : Au mois d’octobre 2009, Kurt Vile présente Childish Prodigy, son premier véritable album. Enregistré avec le soutien des Violators, le groupe qui l’accompagne depuis quelque temps déjà sur les scènes de Philadelphie et d’ailleurs, le disque fait écho à un autre album, l’excellent Wagonwheel Blues, premier opus de The War On Drugs sorti un an plus tôt. Et si ces deux disques semblent si proches l’un de l’autre, c’est avant tout parce que leur réalisation est liée au même trio de musiciens, trois visionnaires nommés Kurt Vile, Adam Granduciel et Jeff Zeigler. Le premier est l’auteur de Childish Prodigy et a participé à l’enregistrement de Wagonwheel Blues en tant que membre de The War On Drugs, le deuxième est le leader du groupe en question, mais également le guitariste des Violators, quant au troisième il est l’incontournable producteur de ces deux remarquables opus. Dans De Los Angeles à New York, le chapitre Macadam à deux voies raconte la genèse de ces deux disques, ainsi que l’invention de ce son nouveau, saturé d’effets de réverbération et de vibrations psychédéliques, qui doit à peu près autant aux diverses expérimentations de Chrome qu’au son synthétique et glaçant de Suicide.
Kurt Vile, “Freak Train” (Matador, 2009) :